Arrestation de Léonide Féodoroff. Le procès

 

Le 21 novembre 1922 dernière liturgie. Le 22 novembre  à 7 h. arrestation de Féodoroff. L'exarque passant devant Mlle Danzas lui fit "sanctissimum" elle comprit et se hâta de mettre en cachette la sainte réserve. L'exarque fut libéré le jour même et les scellés apposés à la chapelle. Ils continuèrent à célébrer en cachette dans un appartement que découvrit la police. En 1923 Mgr Jean Cieplak, Mgr Féodoroff et 13 curés de paroisses catholiques de Saint-Pétersbourg durent se rendre à Moscou pour le jugement. Ils se mirent en route dans la nuit du 2 au 3 mars devant les fidèles émus. Arrivé le 5 mars ils séjournèrent chez des amis. Le 10 mars ils furent arrêtés placés sur un camion ouvert et promenés à travers les rues de Moscou, jusque dans un immeuble du gouvernement où ils purent domir sur des chaises. Les soviétiques firent cela une seconde fois. Cette fois vers la prison de Boutyrka 

 

Le jugement du bienheureux Léonide

 

L'arrestation de l'exarque fut réprouvée par le cardinal Mercier de Malines, par le cardinal Gasparri secrétaire d'Etat du Vatican, les archevèques de Cantorbéry et d'Upsala. Le procès commença le 21 mars 1922. Les séances se tenaient dans l'ancien club des nobles, pas de jury, trois juges dont un ci-devant prêtre un paysan et un ouvrier. 

 

Description de Léonide par McCullagh journaliste.

 

L'exarque était la figure la plus marquante. Bel homme. Solidement bâti. A la fleur de l'âge. Visage vigoureux et aimable.  Il faisait songer au Christ des peintures. Longs cheveux noirs, barbe majestueuse et la soutane ample des prêtres russes. Il formait un contraste avec les prêtres de rite romain, rasés.

Le chef d'accusation était triple

Les prêtres avaient donné catéchisme aux enfants,

Ils avaient refusé de livrer les biens de l'église

Ils avaient continué à célébrer apèrs la fermeture des églises.


Le jugement

 

Krylenko

Vous tenez à votre religion, et bien alors portez vote croix. Je crache sur votre religion, je crache sur toutes les religions: orthodoxe, juive, musulmane, luthérienne et le reste. Oui, comme Féodoroff l'a déclaré avec toute la ruse d'un jésuite, nous accordons la personnalité civile aux clubs de football mais nous le refusons aux Eglises. (à Féodoroff) Vous avez refusé de signer l'accord remettant les biens de l'Eglise au Gouvernement. 

Feodoroff

Oui

 Krylenko

Vous considérez que vous n'êtes pas obligés d'exécuter les lois.

Féodoroff

J'exécute les lois soviétiques

dans la mesure où elles ne vont pas contre ma conscience

Krylenko (avec colère et suffisance)

Laissez donc votre conscience en paix ! je vous le demande en termes clairs: obéissez-vous au gouvernement soviétique ou non?

Féodoroff

Si le gouvernement soviétique me demande d'agir

contre ma conscience, je n'obéis pas.

 En ce qui concerne l'enseigmement du catéchisme,

la doctrine de l'Eglise catholique

est que les enfants

doivent recevoir une éducation religieuse

 quoiqu'en dise la loi.

Une loi qui va contre la conscience ne peut obliger

 

 

 Kalinine

 

 L'exarque poursuit sa défense en exposant comment il s'était réjoui de la séparation de l'Eglise et de l'Etat, espérant qu'elle entraînerait plus de liberté pour les catholiques puis, combien par la suite il avait été déçu sur ce point.

Feodoroff

Qu'est-ce donc une Eglise qui n'enseigne pas?

Si par exemple des jeunes de 16 à 18 ans

viennent me trouver pour se marier

comment puis-je les préparer

si je ne  puis leur exposer certaines conceptions religieuses?

Et vous mêmes

ne donnez-vous aucune instruction aux jeunes

en dessous de 18 ans ?

Que serait un  enfant s'il n'avait rien appris

avant 18 ans?

 

 

Krylenko

Vous critiquez les lois du gouvernement soviétique

Féodoroff.

J'explique seulement ma conception religieuse

D'après la constitution , je puis propager mes idées religieuses pourquoi

ne puis-je le faire parmi les enfants?

 

 

 basilique saint Paul à Rome

 

Krylenko

La loi le défend

vous n'expliquez pas votre conception religieuse, vous faites une argumentation raisonnée.

Féodoroff.

 

Je ne puis m'empêcher de présenter des raisons.

 Je ne puis prendre mon coeur dans mes mains et vous le montrer.

si nous jouissons vraiment de la liberté religieuse

on ne peut nous brûler sur un bûcher.

Laissez-moi vous  expliquer l'état de nos âmes d'une autre façon.

Notre foi est le seul moteur de notre vie religieuse.

C'est elle qui nous pousse à convertir d'autres hommes.

Si les communistes se voyaient interdire d'enseigner les principes communistes

à leurs enfants avant l'âge de 18 ans,

obéiraient-ils à cette défense?

Pourquoi alors la loi nous prive-t-elle du droit de transmettre à nios enfants

notre foi religieuse? 

Toutes les publications traitants ces sujets ont été défendues en Russie.

 

  Krylenko

 

 

Avez-vous tâché d'en obtenir à l'étranger?

 

Féodoroff

 

Oui les livres de philosophie ont pu passer. Les livres de théologie ont été confisqués à la frontière.

 

Krylenko

Vous auriez dû mentionner cela à l'interrogatoire préliminaire et vous auriez pu porter plainte. Maintenant c'est trop tard.

 

Féodoroff

 

Laissez-moi achever.

Les objections que nous avons exprimées au gouvernement n'avaient rien  de révolutionnaire.

Je tiens à le répéter.

La confiscation des biens de mon église s'est faite

sans rencontrer de résistance.

On nous reproche de n'avoir pas voulu livrer les biens de l'Eglise

dans le noble but de sauver les affamés.

Laissez-moi vous rappeler

les quarante wagons

de nourriture

envoyés par le pape

Benoît XV

et les 120.000 enfants

nourris

en ce moment

par le pape Pie XI.

 

Krylenko

 

Qu'est-ce que cela peut nous faire? Le pape peut aider les affamés et les catholiques peuvent néanmoins résister à la loi. Parlez-nous de vos affaires.

 

Féodoroff

 

Je n'ai jamais rien caché.

Le gouvernement savait tout

et il ne peut m'accuser d'avoir pris part à des organisations secrètes.

Tous les malentendus s'expliquent

par les ordonnances

contradictoires

recues du gouvernement.

Nous n'avons su comment nous en dégager.

Nous ne sommes coupables ni

de contre-révolution,

ni d'avoir formé

une organisation secrète,

encore moins bien

d'avoir voulu résister au gouvernement soviétique

ou d'avoir voulu le renverser.

Je n'ai rien d'autre à dire.

Nos coeurs sont pleins non de haine mais de tristesse.

Vous ne pouvez nous comprendre.

Vous ne nous laissez pas la liberté de conscience.

C'est la seule conclusion  que je puisse tirer de ce que j'ai entendu ici. 

 

Au jugement de MP cCullagh ce procès n'était qu'une comédie préparée d'avance. L'exarque expliqua qu'il était en union avec le métropolite Cheptitsky de Lvov. Il prit la parole le dernier jour du procès.

 

Feodoroff

 

Je ne puis faire mieux que de con firmer mon accord

avec ce qu'a dit

Mgr l'archevèque Cieplak

Comme lui, j'ai dû prendre en considération

mon  devoir d'état et montrer le bon exemple

à mes subordonnés.

Je n'ai jamais rien fait en secret;

mes cartes étaient toujours sur la table pour le gouvernement.

Personne parmi les autorités ne peut montrer

quoi que ce soit de révolutionnaire

dans ce que j'ai fait.

Je demande seulement aux juges de porter leur attention

sur les paroles du père Yunevitch.

C'est le cri d'une âme torturée

l'âme d'un prêtre catholique

convoqué devant vous

et ce cri

trouve un écho dans l'âme de chacun de nous.

Je demande seulement aux juges

une fois de plus de peser et considérer la situation

qui a arraché ce cri de l'âme d'un prêtre catholique.

Elle résulte du fait que le devoir sacré que nous avons à remplir

se heurte à une défense de la loi civile.

Nous sommes les victimes d'une incompréhension

et je ne vois pas comment en sortir.

Si le seigneur tout-puissant

daigne accepter

notre sacrifice

en ce dimanche des Rameaux

si de nos souffrances corporelles

une bonne semence quelconque

peut croître et mûrir

pour être acceptée et appréciée

par notre chère patrie

que j'aime si profondément 

le désir de mon coeur

est qu'au moyen

de cette expérience

quelle que pénible qu'elle puisse être

notre patrie en vienne

à comprendre que la foi chrétienne

et l'Eglise catholique

ne sont pas une organisation politique

mais une commuanuté d'amour.

En ceci,

je vois la Providence de Dieu

la volonté de Dieu

et dans cette foi

j'accepte tout ce qu'il m'enverra. 

 

 

 L'archevêque Jean Cieplak et Mgr Constantin Budkiewicz furent condamés à être fusillés

L'exarque à dix ans de prison

les autres prêtres à des peines allant de 3 à 10 ans de camp

Le père Edmund Walsh parvint à trouver au bureau commercial britanique une ligne télégraphique ouverte.

Le New York Herald Tribune et la Civiltà Cattolica publièrent les passages principaux du procès.

A la suite des protestations étrangères la peine de l'archevêque fut commuée en dix ans de prison. Par contre Mgr Budkiewicz fut exécuté le matin de Pâques du 1er avril 1923.

 

Les prisonniers furent conduits à la prison de Sokolniki.

 Article suivant : Les prisons de Moscou


06/10/2011
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