Arrestation du Père Serge Soloviev

Arrestation du Père Serge Soloviev

L'arrestation des catholiques dans la nuit du 15 février au 16 février 1931 frappa Neveu comme un coup de tonnerre en plein hiver. Il était en train de terminer sa correspondance  du 16 février à Mgr d'Herbigny pour la valise bimensuelle de l'ambassade de France, quand on vint lui apprendre le malheur :

Un coup de théâtre... J'en étais là de mes écritures, lorsque la fillette du Père Nicolas Alexandrov (à Solovki) arrive m'annoncer que cette nuit ont été arrêtés le Père Serge Soloviev et la sœur Hyacinthe, la dernière dominicaine, qui n'eût jamais été arrêtée; la fillette logeait avec cette sœur les bras me tombent, vénéré Monseigneur et Père, et j'arrête là la présente, tant je suis bouleversé."

 

Dans le courrier suivant du 2 mars, Neveu raconte dans le détail tout ce qu'il a pu apprendre sur ce qu'il appelle le pogrom des catholiques. On en voulait indistinctement aux catholiques latins et aux catholiques de rite oriental. L'abbé Loupinovitch, curé de la paroisse SS Pierre et Paul, a été arrêté. Arrêtés également les tertiaires de Saint François, leurs amis et connaissances. A la paroisse de l'Immaculée Conception il y a eut perquisition au presbytère, mais on y a pas trouvé le curé, l'abbé Tsakoul. Par contre,  tout un groupe de paroissiens sont sous les verrous, entre autres deux anciennes servantes de la Mission Pontificale, qui, après interrogatoires, ont été relâchées. Mais on voulait surtout au groupe des catholiques de rite oriental 1

On lit en note:
Il y eut cette nuit des arrestations parmi les orthodoxes, tikhoniens ou philo-catholiques: l'archevêque Philippe de Zvenigorod qui avait écrit secrètement à Rome qu'il y avait bel et bien des persécutions en Russie; le professeur Ratchinski, ami de Vladimir Soloviev et l'un des traducteurs en Russe de son ouvrage ;"La Russie et l'Eglise universelle", l'académicien Lazarev, éminent byzantinologue; l'avocat Kousnetzov.    

 "La sœur Hyacinthe, dans le monde Anna Zolkina, est l'unique tertiaire régulière qui n'eût pas encore été prise. Pendant la perquisition, on a pris les papiers des autres sœurs, pas mal de manuscrits, principalement  des traductions des livres ascétiques. les sbires ont déclaré avant de l'emmener, en présence de la petite Catherine Alexandrova  que toute la bibliothèque serait confisquée. Arrêtée : Mme Novitskaïa tertiaire séculaire dominicaine. Juive convertie, professeur à l'université (sa sœur , tertiaire régulière,  est depuis longtemps à Solovki.) Arrêtée : Mme Novitskaïa, femme du père Novitski à Solovki, lequel devait être bientôt échangé, à ce qu'espérait sa femme, et autorisé à se rendre en Pologne: elle aussi est tertiaire dominicaine. Arrêtées: deux autres juives converties du Père Serge: une, toute jeune encore, Anna Roubachova, âme parfaitement innocente et toute au Bon Dieu, une autre demoiselle, plus âgée,  Victoria Lvovna récemment convertie, d'une famille de Kiev, riche, très ardente et intelligente. Arrêtée Mlle Malinovskaïa, apparentée à la famille (sacerdotale) des Arseniev de Moscou. Excellente personne, déjà âgée et très malade également convertie du Père Serge.  Toute ces personnes, fait à remarquer fréquentaient l'église saint Louis.

Chez le père Serge Soloviev on a pris tous ses manuscrits, et il y en avait beaucoup , mais sa fillette n'a pu les spécifier, peut-être qu'on a saisi ceux aussi de l'oncle Vladimir. On a pris le calice et l'ornement, dont il se servait chez lui pour célébrer la liturgie. Le Père avait déjeuné avec le père Wengler (NB :auteur du livre) le vendredi 13, deux jours avant son arrestation et lui avait demandé 50 roubles, car il était sans argent, ses fillettes étaient venues le voir et avaient occasionné des dépenses. L'une d'elles, l'aînée qui a 18 ans était présente lors de la perquisition. Mgr Neveu mit plusieurs semaines à savoir où était détenu le père Serge Soloviev, de même que le père Alexandre Vassiliev également arrêté. Dès le 8 juin 1931, Neveu eut connaissance de la mort, à la prison de Boutyrki, de Viktoria Lvovna Bourvasser.

C'était une juive convertie du père Serge. Personne très intelligente, possédant les langues, filles de gros commerçants de Kiev, enfant gâtée de ses parents, elle avait versé dans l'athéisme militant. C'est de là que le Bon Dieu la retira pour en faire une chrétienne, humble, fervente, communiant chaque jour avec  larmes, désirant souffrir pour réparer ses erreurs et témoigner son amour à Notre Seigneur. Le Bon Dieu lui avait donné la grâce de mourir pour la foi. Je fus averti, écrit Mgr  Neveu, par une dame russe, sortie de prison et qui se trouvait dans la même cellule que la défunte avec un autre catholique, qui me pria de célébrer la messe des morts. On laissa la malade souffrir atrocement en cellule et quand on voulut la conduire à l'infirmerie, il était trop tard, elle mourut dans les corridors. Le corps n'a pas été rendu à sa mère. 

Dans une lettre du 6 juillet 1931, Neveu compléta la liste des prisonnières.

A la prison de Boutyrki, un petite juive convertie, Anna Roubachova, qui ne dort jamais presque, étonne toutes ses compagnes de captivité, par son esprit d'oraison, elle prie jour et nuit, et par son courage. Une autre juive, Mlle Saporojnikova (sa sœur dominicaine est à Solovki) est également un modèle de force, tandis qu'en liberté elle était plutôt très paresseuse: la grâce est mesurée aux nécessités. Il y a aussi à Boutyrki, une demoiselle russe convertie, Loudmilla Nikolaevna Polibina, dont j'ai oublié de vous parler qui fait l'édification de ses compagnes. Elle rêvait d'aller dans un noviciat en Allemagne et correspondait avec un père bénédictin allemand. Le Bon Dieu lui  fait faire un noviciat autrement rude. Aucune nouvelle de Mme Novitskaïa , dont le mari, le Père Novitski, est à Solovki.         

 



17/07/2015
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