Vladimir Soloviev

 
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Vladimir S. Soloviev

Vladimir Sergueïevitch Soloviev, plus rarement Solovev ou Soloviov[1] (en russe : Владимир Сергеевич Соловьёв), né à Moscou le 16 janvier/28 janvier 1853 et mort à Ouskoïe près de Moscou le 31 juillet/13 août 1900, est un philosophe et poète russe.

Éléments biographiques[modifier | modifier la source]

Vladimir Soloviev est le fils de Sergueï Soloviov (1820-1879), lui-même fils d'un prêtre orthodoxe russe d'esprit ouvert et curieux Mikhaïl Soloviov, archiprêtre et professeur de religion.

Vladimir Soloviev naît à Moscou le 16 janvier 1853 (selon le calendrier julien) dans une famille « unie, respectueuse de l'autorité paternelle ; (elle) menait une vie patriarcale, de haute moralité, austère et pieuse, et se montrait assez insoucieuse de la vie pratique[2]. » Il est décrit comme un enfant sensible et travailleur, brillant et mystique.

L'ambiance corrosive des années 1860, marquées par le matérialisme scientifique, en fait un adolescent qui refuse toute pratique religieuse entre 14 et 18 ans. Il étudie ensuite Spinoza et passe du matérialisme au positivisme. Il aborde ensuite Schopenhauer et Schelling, ce qui lui permet de concilier idéalisme et sciences. Il passe ensuite par une phase de pessimisme absolu (vers 19 ans).

Vladimir Soloviev redevient brusquement chrétien, à un peu plus de 20 ans, mais tout en étant assez proche de la figure du narodnik brossée par Tourgueniev : une jeune personne radicale, positiviste, aimant le peuple et voulant l'éduquer, assimilée progressivement aux terroristes. Cependant son côté spiritualiste le rapproche encore plus de Tolstoï et Dostoïevski.

En même temps que son retour à la Foi, il délaisse ses études scientifiques pour s'orienter davantage vers l'histoire et la philologie. Il se met à fréquenter l'Académie ecclésiastique Saint-Serge[3] en y prenant des cours de théologie.

En 1873 commence une relation d'amitié profonde avec Dostoïevski. Il a des rapports tendus avec Tolstoï : « Soloviev sera partisan d'un christianisme hiérarchique et historique ; il n'admettra pas le principe de non-résistance au Mal, ni le christianisme purement moral et abstrait auquel aboutira Tolstoï[4]. »

Maître de conférences à la Faculté de Moscou à 21 ans, docteur à 27, il acquiert une vaste notoriété par ses leçons publiques sur la Théandrie (1877-1878). En 1881, pour avoir publiquement demandé au tsar de gracier les assassins d'Alexandre II, il est contraint de quitter l'Université[5].

Il rencontre l'évêque catholique Strossmayer à Đakovo, mais son retour en Russie est sous le signe du découragement, car les critiques lui viennent aussi bien du côté orthodoxe que du côté catholique.

En 1891, l'Église orthodoxe lui refuse les sacrements, le 18 février 1896, il est reçu au sein de l'Église grecque-catholique russe par le Père Nicolas Tolstoï[6]

Derniers instants[modifier | modifier la source]

Portrait de Soloviev par Nikolaï Yarochenko

Il meurt au château d'Ouzkoïe soigné par le prince Serge Nikolaïevitch Troubetzkoy (1862-1905) son ancien élève et professeur de philosophie, et l'épouse de celui-ci née princesse Prascovie Obolensky (1860-1914), la cousine de la princesse, Agrafine Panioutine, et son ami, président du tribunal du district, Nicolas Davydov (1848-1920), qui l'avait accompagné. Le docteur Alexandre Vlassov est resté jusqu'aux derniers moments[7]. Le philosophe bredouillait en grec, en latin, en français et en italien, pris par la fièvre. Il croyait voir aussi des Chinois. Quelles sont ces figures jaunes grimaçantes[8]?. Sont appelés ensuite à son chevet l'historien Vassili Ossipovitch Klioutchevski, sa mère Polyxène Vladimirovna Solovieva et ses sœurs Nadège et Polyxène. Celles-ci dormant dans la chambre à côté du bureau du prince où le philosophe était alité sur le divan. L'agonie commence le 30 juillet (ancien style) et il meurt le lendemain vers neuf heures du soir. Son corps est mis dans la chapelle du château. Les funérailles y ont lieu le 3 août, puis la dépouille est emmenée à Moscou. Une liturgie a lieu à la chapelle de l'université en présence des proches et des princes A.D. Obolensky du ministère des Affaires étrangères et V.S. Obolensky-Neledinski du ministère de l'Intérieur, ainsi que différents professeurs. Il est enterré dans une tombe à côté de celle de son père, Sergueï, au cimetière de Novodiévitchi. Le professeur Herié prononce l'éloge funèbre (...) Tu as traversé nos vies grises ordinaires d'un rayon de lumière; tu as répondu avec passion aux questions de la société; tu as combattu ses idoles, alors qu'elle attendait encore beaucoup de toi.[9]

Le penseur[modifier | modifier la source]

Soloviev est en milieu orthodoxe l'ambassadeur du dialogue œcuménique. Il juge que le Raskol est une plaie de l'Église russe et réfléchit à réconcilier les vieux-croyants avec l'Église russe. Il espère un temps en un concile, puis pense que l'Église orthodoxe russe ne peut résoudre ce problème.

L'assassinat du tsar Alexandre II en 1881 est une profonde remise en cause de l'idée qu'il se fait de la Russie. À partir de cette époque, il voit en Rome l'unique moyen de faire revivre l'Église orthodoxe. Pour lui, la scission orient/occident préfigure le Raskol. Il pense que la chrétienté a besoin de centralisation et d'un chef pour accomplir sa mission : la réalisation sur terre du royaume de Dieu. Il oppose l'Orient, avec ses aspirations contemplatives vers le divin, à l'Occident et à ses tendances actives et pratiques vers l'humain.

La charité manque pour faire l'union, mais il n'y a que cette union qui permettrait de reconstituer la divino-humanité, l'Église universelle. Rome en serait le centre. La mission de la Russie serait de faire cette union. Ne veut pas latiniser l'Orient : chacune des deux Églises est déjà profondément l'Église universelle, pour Soloviev la scission n'est qu'apparente et causée par un manque de charité. Il pense y associer plus tard le protestantisme, avec son principe de liberté, capital car l'Église « achevée » serait la « théocratie libre »[10]. Vladimir Soloviev théorise toutes ces idées dans Le grand Débat et la politique chrétienne, en 1883.

Soloviev est parfois comparé à son contemporain, le cardinal John Henry Newman. Ils ont les mêmes préjugés contre le papisme au départ, le même ostracisme, la même volonté de faire la volonté divine, le même goût pour les Pères de l'Église (notamment Saint Augustin), pour l'histoire ecclésiastique, la philosophie des évolutions religieuses, l'ascension de la connaissance humaine jusqu'à Dieu, les devoirs quotidiens de la piété[11].

Les poésies de V. Soloviev ont connu un grand succès : sept éditions de 1893 à 1921.

Citations[modifier | modifier la source]

« La division de l'Église se produisit parce que les ecclésiastiques s'étaient laissé dominer par l'esprit anti-chrétien d'arbitraire égoïste sans frein et de rivalité. »

— La grande controverse et la politique chrétienne

« Les intérêts de la civilisation de notre époque sont ceux qui n'existaient pas hier et n'existeront pas demain. Il est permis de préférer ce qui est valable pour tous les temps. »

— Leçons sur la divino-humanité

Œuvres[modifier | modifier la source]

  • Œuvres complètes, 10 vol., Saint-Pétersbourg, 1911-1913.
  • Le processus mythologique dans le paganisme ancien, 1873.
  • La métaphysique et la science positive, 1873.
  • La Crise de la Philosophie occidentale, 1875.
  • Conférences sur la Théandrie, 1877-1880.
  • Les Trois Forces, 1877.
  • Principes philosophiques de la connaissance intégrale, 1877.
  • Critiques des principes abstraits, de 1877 à 1880.
  • Leçon sur la Divino-humanité, 1880 ou 1881.
  • Sur le pouvoir spirituel en Russie, 1881.
  • Trois discours à la mémoire de Dostoïevski, 1883.
  • La question nationale en Russie, 1883-1888 et 1888-1891, 15 articles en tout.
  • La Grande Controverse et la Politique chrétienne, 1883.
  • Neuf questions au père A. Ivantsov-Platonov, 1883.
  • Les fondements spirituels de la vie, 1884.
  • Les juifs et la chrétienne, 1884.
  • La Russie et l'Église universelle, 1885.
  • Le Développement dogmatique de l'Église et la question de la réunion des Églises, 1886.
  • L'Église orientale est-elle orthodoxe ?, 1886.
  • Histoire et Avenir de la Théocratie, 1886-1887.
  • La Beauté dans la Nature, 1889.
  • Le Sens de l'Art, 1890.
  • La poésie lyrique, article, 1890.
  • Le Sens de l'Amour, 1892-1894.
  • La poésie de Tioutchev, article, 1895.
  • La Justification du Bien, 1897.
  • Lettres dominicales, 1897-1898.
  • La Philosophie théorique, recueil de trois articles, 1897,1898, 1899.
  • La vie tragique de Platon, 1898.
  • Les trois rencontres, poème, 1898.
  • L'importance de la poésie dans les poèmes de Pouchkine, article, 1899.
  • Trois Entretiens (suivi du Court récit sur l'Antéchrist, 1899-1900.
  • Lettres, t. 1-3, 1908-1911.
  • L'idée russe, 1911.
  • Le Saint Vladimir et l'État chrétien et la réponse au courrier de Cracovie, 1913.
  • Poésies, 1921.

Œuvres traduites en français[modifier | modifier la source]

  • 1888 : L'idée russe, Perrin et Cie, Paris.
  • 1889 : La Russie et l'Église universelle, éd. A. Savine, Paris. En fait l'original est publié en français pour éviter la censure tsariste. Réédité par L'Âge d'Homme, Lausanne, 1978.
  • 1897 : La question pénale au point de vue éthique, éd. V. Giard et E. Brière, Paris. N.B.: ce livre est extrait de la "Revue internationale de sociologie".
  • 1916 : Trois entretiens sur la guerre, la morale et la religion, traduits du russe par Eugène Tavernier, Plon-Nourrit et Cie, Paris.
  • 1932 : Les Fondements Spirituels de la Vie, traduction du russe par le R.P. Georges Tzebricow, Lettre préface de S. Exc. Mgr Michel d'Herbigny, coédition Beauchesne-éditions de la Cité Chrétienne, Collection d'Etudes Philosophiques et Religieuses, Paris-Bruxelles. 2eéd. en 1948.
  • 1939 : La justification du bien : essai de philosophie morale, trad. du russe par T.D.M, Aubier éditions Montaigne, Coll. Philosophie de l'esprit, Paris. Nouvelle édition en 1997.
  • 1947 : Crise de la philosophie occidentale, introd. et trad. par Maxime Herman, Aubier éditions Montaigne, Coll. Bibliothèque philosophique, Paris.
  • 1953 : La grande controverse et la politique chrétienne (Orient-Occident), Aubier éditions Montaigne, Coll. Philosophie de l'esprit, Paris.
  • 1955 : Le judaïsme et la question chrétienne, revue Foi et Vie no 5 p. 389-453. Ré-édité comme livre en 1992.
  • 1970 : En appendice, trad. abrégée de l'Histoire de l'Antéchrist dans Boris de Spengler, Le Triptyque de l'être : essai sur les vérités essentielles du christianisme, [Éd. de la Source], Coll; Entretemps, [Paris].
  • 1978 : La Sophia et les autres écrits français, édités et présenté par François Rouleau, La Cité - L'Âge d'Homme, Lausanne.
  • 1984 : Trois entretiens sur la guerre, la morale et la religion, introd. de F. Rouleau ; trad. de B. Marchadier et de F. Rouleau, ŒIL, Coll. Sagesse chrétienne no 2, Paris. Ré-édité en 2005.
  • 1985 : Le Sens de l'amour : essais de philosophie esthétique, introd. de F. Rouleau ; trad. de B. Marchadier, ŒIL, Coll. Sagesse chrétienne no 6, Paris. (ISBN 2868390528), [ISBN erroné (ISBN 2868590528)]. N.B.: contient Le Drame de la vie de Platon. - La Beauté dans la nature. - Le Sens général de l'art. - Un Premier pas vers une esthétique positive.
  • 1991 : Leçons sur la divino-humanité [Recueil de conférences données à Saint-Pétersbourg en 1877-1878], trad. du russe par Bernard Marchadier, préf. de François Rouleau, Cerf, Coll; Patrimoines. Orthodoxie, Paris. (ISBN 2204042552)
  • 1991 : Le développement dogmatique de l'Église, traduction et présentation par François Rouleau et Roger Tandonnet, Desclée, Coll. La nuit spirituelle, Paris. (ISBN 2718905581)
  • 1992 : Le judaïsme et la question chrétienne, trad. du russe par M. Mathon, F. Lovsky, F. Rouleau et R. Tandonnet, préf. d'Alain Besançon, Desclée, Coll. La nuit spirituelle, Paris. (ISBN 2718905816). Comporte un index des noms de personnes.
  • 1997 : La justification du bien : essai de philosophie morale, trad. du russe par T.D.M. ; introd. de Patrick de Laubier, Éditions Slatkine, Genève. (ISBN 2051015333). N.B.: Ouvrages de Vladimir Soloviev, p. 475-476.
  • 2001 : Mahomet, trad. et présentation de Bernard Marchadier, Éditions Ad Solem, Genève. (ISBN 2940090807)
  • 2004 : Trois rencontres et autres poèmes, trad. par Christian Mouze, Harpo, Marseille. (ISBN 2913886434)
  • 2005 : Trois entretiens : sur la guerre, la morale et la religion ; suivi du Court récit sur l'antéchrist, trad. et présentation de Bernard Marchadier, Éditions Ad Solem, Genève. (ISBN 2884820477)
  • 2008 : Histoire et avenir de la théocratie. Introduction de François Rouleau. Traduction de Mireille Chmelewsky, Antoine Elens, François Rouleau, Roger Tandonnet. Éditions Cujas, Paris 2008 (ISBN 978-2-254-09903-0). Première traduction du russe en langue étrangère.

Bibliographie[modifier | modifier la source]

  • 1888 : Wladimir Guettée, La Russie et son Eglise, lettre à M. V. Soloviev à propos de sa brochure intitulée ″l'Idée russe″, coédition Fischbacher-Vve Monnom, Paris-Bruxelles.
  • 1911 : Michel d'Herbigny, Un Newman russe : Vladimir Soloviev (1853-1900), Beauchesne, Coll. Bibliothèque SlaveSérie A, Paris.
  • 1935 : Dimitri Strémooukhoff, Vladimir Soloviev et son œuvre messianique, L'Âge d'Homme (réimpression sans date [vers 1975] d'un original de 1935, thèse de doctorat ès lettres parue dans les "Publications de la Faculté des lettres de l'Université de Strasbourg" no 69).
  • 1950 : Vladimir Soloviev. Conscience de la Russie[Choix de textes] traduit et présenté par Jean Gauvain, éd. Egloff, Paris.
  • 1950 : Vladimir Soloviev. Conscience de la Russie, la vocation de la Russie, la Chine et l'Europe, récit sur l'Antéchrist. Textes choisis et présentés par Jean Gauvain, Desclée de Brouwer, Paris.
  • 1975 : Mgr Jean Rupp, Message ecclésial de Solowiew : présage et illustration de Vatican II, Coédition Lethielleux-Vie avec Dieu, Paris-Bruxelles,.
  • 1982 : Serge M. Solowiew, Vie de Wladimir Solowiew par son neveu, Préface, notes et traduction de Mgr Jean Rupp, éd. S.O.S., Paris. (ISBN 2718509015)
  • 1993 : Michelina Tenace, La beauté unité spirituelle dans les écrits esthétiques de Vladimir Soloviev, Troyes (France), Éd. Fatès, 203pp.
  • 1994 : Œcuménisme et eschatologie selon Soloviev, Société Vladimir Soloviev [à Genève], F.X. de Guibert, Coll. Sagesse chrétienne, Paris 1994. (ISBN 2868393322)
  • 1995 : Maxime Herman, Vie et œuvre de Vladimir Soloviev, éditions universitaires Fribourg Suisse, 157 p.
  • 2000 : Art et philosophie russe [journée d'études, Université de Bourgogne, Dijon, 11 mars 1999], Françoise Lesourd et Michel Eltchaninoff (Dir.) ; publ. par le Centre Gaston-Bachelard de recherches sur l'imaginaire et la rationalité [et la Société Soloviev], éd. universitaires de Dijon, Coll. Cahiers d'histoire de la philosophie no 2. (ISBN 2906645354)
  • 2001 : Paul Toinet, Vladimir Soloviev, chevalier de la Sophia, Ad Solem, Genève. (ISBN 9782940090709)

Notes et références[modifier | modifier la source]

  1. Soloviev est la transcription passée dans l'usage, Soloviov étant la transcription normalisée (voir transcription du russe en français).
  2. Maxime Herman, Vie et œuvre de Vladimir Soloviev, éditions universitaires Fribourg Suisse, 1995, p. 7
  3. dépendant du monastère de la Trinité-Saint-Serge.
  4. Maxime Herman, Vie et œuvre de Vladimir Soloviev, éditions universitaires Fribourg Suisse, 1995.
  5. N. Struve. Anthologie de la poésie russe. YMKA-Presse, 1991.
  6. Michel d'Herbigny, Un Newman russe : Vladimir Soloviev, Paris, Beauchesne, 1911, p 314 à 316
  7. in (ru) Nicolas Davydov, Souvenirs à propos de Vladimir Soloviev, Moscou, 1991
  8. En français dans le texte
  9. Nécrologie du Rousskie Vedomosti, 4 août 1900 (ancien style)
  10. Voir Maxime Herman, Vie et œuvre de Vladimir Soloviev, éditions universitaires Fribourg Suisse, 1995
  11. Michel d'Herbigny, Un Newman russe : Vladimir Soloviev


09/08/2013
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