Recherche et soucis de Mgr Neveu au sujet des prisonniers.

Recherches et soucis de Mgr Neveu au sujet des prisonniers.

Petrovski Monastyr ou l'organisation monastique orthodoxe-catholique. § 3

 Neveu et les familles des prisonniers et prisonnières ignoraient tout ce que nous savons à présent. Ils étaient dans l'angoisse, ne connaissant ni le lieu de leur détention ni le sort qui les attendait. Neveu n'a cessé de chercher à s'informer. Sa correspondance de février-août 1935 nous permet de saisir l'envers du procès, dont les interrogatoires et les condamnations nous ont révélé l'avers ou la face, jusqu'à présent cachée.

Dans une lettre du 11 mars 1935, Neveu se désole de n'avoir aucune nouvelle de Mgr Barthélémy. : "Je n'ai, hélas, aucune nouvelle de lui, pas plus de nos autres chers prisonniers et prisonnières. Les premières semaines, tous les détenus sont au secret: personne absolument ne peut les voir et, seuls, leurs proches sont autorisés à remettre, par semaine la somme dérisoire de cinq roubles au guichet du Guépéou en faveur des prisonniers. Chaque matin, en venant dire la sainte messe, je passe le long des fenêtres des cellules où ils sont enfermé et invisibles; je n'ai pas besoin de vous dire, cher monseigneur, quel effort je dois faire pour refouler mes larmes. Je sais que plusieurs sont là uniquement parce qu'ils aiment la Sainte Eglise et lui sont fidèles et aussi parce que je les voyais: il me semble que c'est moi qui devrais être à leur place et j'éprouve une sorte de cuisant remords lorsque je me vois encore en liberté. J'ai pu recevoir confirmation de l'emprisonnement du bon docteur Léonide Titov et de Mlle Catherine Tsirouna. Je m'occupe de secourir les vieux parents de la bonne et vertueuse Mlle Werth :le père est luthérien, la mère est orthodoxe, tous deux sont bien touchés de ce que l'on fait pour eux. J'ignore comment je pourrai recevoir des nouvelles de Mgr Barthélémy et de sœur Elena.

Je remarque depuis plusieurs jours l'absence d'une autre russe convertie, ma pénitente que le Guépéou avait menacée d'arrestation il y a deux ans si elle continuait de continuer à fréquenter l'église française. 

Quelle situation tragique pour ces pauvres catholiques russes... Ils ne veulent pas aller aux églises polonaises, car les fidèles y sont très divisés et se disputent entre eux : s'ils y vont le Guépéou leur reproche de se poloniser : "s'ils viennent chez nous, ils sont accusés de relations avec l'étranger. Que faire?"

Le 16 juin 1935, Neveu est en mesure de donner quelques nouvelles indirectes: "Jeudi dernier 13, j'ai pu avoir quelques nouvelles du bon Mgr Barthélémy. Je me déguisai de mon mieux pour dérouter la surveillance et je me dirigeai au domicile de la plus jeune sœur de Monseigneur, pendant que celle-ci était à son service dans les bureaux. Je savais qu'alors je trouverai certainement à la maison la bonne vieille nourrice de l'évêque, une excellente et très pieuse vieille fille qui,  a près de 80 ans, dévouée corps et âme à l'évêque. C'est elle qui me recevait toujours et m'ouvrait la porte lorsque j'allais toutes les deux semaines me confesser et confesser à mon tour le digne Monseigneur. Du reste, comme tous les familiers de Mgr Barthélémy, elle ignore absolument qui je suis. Mgr me nommait Ivan Ivanovitch et disait que j'étais son ami, le plus sûr et le plus dévoué : cela suffisait pour inspirer confiance à son entourage.

En me voyant entrer, la bonne vieille se mit à pleurer de joie et de tristesse à la fois. Elle me raconta que la seule chose qui a retenu l'attention du Guépéou, c'est la masse de lettres que Mgr recevait de tous côtés des prêtres, moines, religieuses et fidèles, arrêtés en haine de la foi et qui lui demandaient du secours. Il paraît que dans le tas de lettres il y en avaient plusieurs qui venaient de l'étranger.

L'an passé, j'avais écrit plusieurs fois à Mgr de Rome et de Paris, via diplomatica, mais à mon retour il m'avait assuré  que mes lettres avaient été détruites par lui, mais n'avait-il pas conservé quelque chose du bon Mgr d'Herbigny, malgré mes avertissements? Je l'ignore. En tout cas, le digne évêque est toujours en secret à la prison intérieure du Guépéou et sa sœur seule est autorisée à lui faire passer dix roubles par semaine. Là, il est tombé malade et on l'a transféré à l'hôpital  de la prison.. Il a dû sans doute repris sa maladie de la gorge, car l'on a appris à l'hôpital on lui fait sucer de petits morceaux de glace contre les crachements de sang. C'est tout ce que j'ai pu apprendre de l'excellente Nadjeda Ivanovna."

A cette date, trois des prisonniers étaient déjà jugés. "La religieuse convertie, sœur Elena Rojina, pénitente de Mgr Barthélémy et arrêtée en même temps que lui, est déjà déportée le long du chemin de fer de Mourmansk à Medvieja-Gora , près de la ville de Povienets, tout à fait au nord du lac d'Onega. Elle se trouve avec une de mes pénitentes arrêtée aussi en février. Mlle Catherine Tsitourina : je suis heureux de savoir que ces deux bonnes âmes sont dans le même camp de concentration et peuvent se voir et se soutenir.  Enfin une autre de mes pénitentes, Mlle Vera Werth est en Sibérie, du côté de Krasnoïarsk , dans un hôpital où elle soigne les malades : Elle a une chambre à elle. Elle écrit des lettres consolantes à ses vieux parents."                 



03/12/2015
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