Dernières années du Bienheureux Léonide Feodorof
D'après l'acte d'accusation de l'Exarque, ses trois années d'internement à Solovki devaient être suivies de trois années de déportations dans les régions du nord. Il fut ainsi transféré dans un hameau constitué de quelques isbas près de PINEGA (voir carte)
bourgade 2000 personnes isolée au milieu de la toundra à 250 km d'Arkhangelsk. Sur le plan du climat, c'était comme dans les îles Solovki.Il peut loger dans un coin d'une isba d'un cultivateur, un prêtre orthodoxe se serait trouver là aussi. Dans ce village, il ne pouvait être question de louer une chambre particulière. Pratiquement pour jouit d'une chambre isolée, il aurait fallu louer une isba entière. Le P.Léonide obtin t simplement qu'un coion lui soit réservé dans l'isbaz d'un cultivateur. Il y trouvra comme autre pensionnaire le Pçre Parphème Krougiloff, un prêtre orthodoxe condamné à la même déportation. Il travaille comme agriculteur. Une aide financière modeste lui parvenait de catholiques de Lénongrad et de Moscou, mais les colis étaient rares. Beaucoup de ses amis étaien t arrêtés. Ceux qui ne l'étaient pas redoutaient de se compromettre, surtout s'ils avaient charge de famille. Il était de plus en plus difficile de corespondre avec des prêtres et chrétiens arrêtés. Staline était devenu le dictateur impitoyable . Il faisait trembler ses collaborateurs les plus proches. La persécution religieuse avait atteint son paroxysme. Les prêtres qui "travaillaient" encore étaient sans cesse perquisitionnés. Souvent la nuit.
Pie XI intervint d'une manière énergique en faveur des persécutés en URSS. Il écrit le 2 février 1930 au Cardinal Pompili pour lui annoncer une cérémonie d'expiation à la Basilique Saint-Pierre;
Pie XI rappela ensuite comment, lors de la Conférence de Gênes, il demanda aux gouvernements représentés d'établir d'un commun accord une déclaration qui eût pu épargner bien des malheurs à la Russie et au monde entier, c'est-à-dire de proclamer comme condition préalable à toute reconnaissance du Gouvernement Soviétique le respect des consciences, la liberté des cultes et des biens de l'Eglise. Il rappela comment ces trois points dont les orthodoxes plus que les autres eussent tirés avantage furen t écartés par souci d'intérêts matériels. Plus loin, le pape salua les prêtres et religieuses déportés, en particulier celui qu'il appelle "son représentant pour le rite slave, l'exarque catholique Léonidas Féodoroff"
Léonide célébrait en privé. Il s'était lié d'amitié avec le prêtre en charge de l'église orthodoxe locale; il fut heureux de pouvoir emprunter les quelques volumés de sa bibliothèque pour passer utilement les longues soirées des huit mois d'hiver. Se trouvait à Pinega un prêtre de rite latin Vincent Iliguine qu'il avait rencontré dans les îles. Léonide passait pour un homme extrêmement influent que les bolcheviques voulaient casser.
Dans les camps, la nourriture était désespérement uniforme et sans aucun goût. Le P. Léonide avait néanmoins trouvé le moyen d'offrir aux aùmis qui venaient le voir quelque chose qui sortît un peu de l'ordinaire; il s'était fait une spécialité de la préparation du thé. Il avait confectionné pour sa théière un capuchon fourré qui conservait plus lontemps la chaleur de l'eau. Ces détails auraient paru enfantins en d'autres circonstances mais à Solovki comme à Pinéga, ils manifestaient une volonté inlassable de ne pas se laisser écraser par l'ambiance extrêmement déprimante, d'y entretenir malgré tout la joie de vivre. Et le courage de l'exarque était contagieux.
A Pinega comme partout ailleurs, le P.Léonide s'était fait beaucoup d'amis. Après son départ, le prêtre orthodoxe de la bourgade aimait à dire que si l'Exarque était demeuré là-bas plus longtemps, il lui aurait ravi la majorité de ses fidèles.
Il refusa d'obéir à un ordre qui l'obligeait à travailler à creuser dans la forêt. Il fit observer que comme condamné politique, il ne pouvait être astreint à des travaux physiques. Le Guépéou s'obstina, et finalement, mit une nouvelle fois le père en état d'arrestation .Fit six mois de prison à Arkhangelsk.. Sa protestation fut acceptée. Il reçut trois années de déportation cette fois à Kotlas. Il fut relâché de sa prison mais resta soumis à trois années de déportation dans le Nord.
En automne 1931 l'exarque put ainsi gagner Kotlas, centre important de chemin de fer. En amont de cette ville, le grand fleuve la Dvina, descend de la mer Blanche reste toujours navigable. Le climat y est donc un peu moins rude. Le père prit pension dans le village de Poltava à 15 km plus au sud, chez deux vieux cultivateurs. Ceux-ci lui réservèrent un petit coin de leur isba. Il y avait son lit, une table et un tabouret. Un rideau le protégeait des regards et lui assurait une solitude relative. A Poltava comme à Solovki et à Piinega, il aime unir ses souffrances à celle du Christ par la célébration fréquente du sacrifice eucharistique. A l'hôpital de Kotlas, il découvre une infirmière catholique chargée en particulier de visiter les déportés malades dans leurs baraques. Heureuse de rencontrer un prêtre, elle informe régulièrement l'exarque du nom des déportés catholiques.Sous divers prétextes, le père vient les visiter et leur apporter les sacrements.
Ce séjour dans la région de Kotlas dura deux années. Le père souffrait de rhumatisme et une gastrite douloureuse. et la femme de Gorki intervint en sa faveur L'exarque fut remis en liberté mais maintenu dans la catégorie dite des "moins douze". A ce titre, le séjour dans les 12 plus grandes villes de l'URSS ainsi que dans les régions voisines des fron tières ou de la mer lui était interdit.
Dans les premiers jours de janvier 1934, l'exarque quitta Kotlas pour s'établir provisoirement 400 km plus au sud, dans la ville de Viatka.
Il prit pension chez un employé du chemin de fer du nom d'André Kalinine. Pour le montant de dix roubles par mois, il put occuper un coin isolé dans une seule pièce dont disposait cet employé pour lui-même, sa femme et ses trois enfants. L'exarque se proposait de se rendre dans la suite à Smolernsk ou Yaroslav où le climat serait plus clément. Au début de février 1935 il fut accablé d'une toux continuelle. Ses forces baissèrent. Il cessa de prendre le pain et le thé qui constituaient sa nourriture habituelle et devint incapable de quitter le lit. Un docterur du nom de Moltchanoff vint le voir régulièrement. Jamais il ne s'en plaignit, assure M.Kalinine qui a laissé par écrit quelques notes sur ses derniers instants.
Le mercredi 6 mars, vers 5 heures du soir, le docteur vint le voir une dernière fois. Pour le réconforter sans doute, il laissa au malade une prescription mais, en sortant, il dit en privé à Mme Kalinine que son locataire ne vivrait plus longtemps.
Le lendemain 7 mars 1935 à 11 heures du matin, le P Léonide demanda du lait chaud. Après avoir bu un verre il déclara;
"Maintenant, je dormirai au moins pendant deux heures".