Les Confessions "politiques " d'Anna Abrikossova
Les confessions politiques d'Anna Abrikossova
A son premier interrogatoire, celle-ci déclara : " Je me considère comme adversaire par principe du système soviétique. Dans ce système trouvent son expressions, entre autres, la terreur politique et l'oppression de la personne. En URSS a été recherchée et se poursuit la dictature du parti communiste sur le peuple."
Elle reconnut également ses rencontres avec les jeunes : "En juin-juillet 1932 furent organisées cinq rencontres. Les entretiens portaient sur des thèmes religieux et politiques. Les thèmes religieux avaient un caractère religieux-philosophiques. Les thèmes politiques comportaient un examen de la situation politique et économique du pays et cela dans un éclairage antisoviétique." Anna Abrikossova rêvait d'une authentique démocratie, comportant l'égalité de tous devant la loi sur les bases des libertés civiques, liberté de conscience, de parole, de presse et l'inviolabilité de la personne. Dans ce dernier interrogatoire, Anna Abrikossova reconnut le caractère contre-révolutionnaire de son travail auprès des jeunes, car disait-elle , "la jeunesse soviétique ne peut parler de sa conception du monde. Elle a des œillères, elle ne connaît qu'une direction et ne s'exprime que par la phraséologie du marxisme-léninisme. Or, la conception du monde, tant au point de vue politique que spirituel, ne peut être recherchée que sur la base de l'examen critique et libre de tous les acquis de la pensée philosophique et politique."
On reste surpris de voir que les sténographes, souvent incultes dès que la pensée dépasse le matérialisme dialectique, aient reproduit assez fidèlement la philosophie sociale d'Anna Abrikossova.
Cherchant à diminuer la responsabilité des jeunes de son cercle, Anna déclara qu'ils n'avaient guère pris une part active à ces discussions et n'avaient été recrutés par elle que peu de temps avant son arrestation.
Des "Filles" d'Anna Ivanovna , quelques unes ont faibli, mais la plupart se sont montrées dignes de leur Mère. Elles confessèrent leur fidélité à l'Eglise catholique et leur dévouement à la Mère Abrikossova. Sœur Catherine Gotovtseva, par exemple, déclara: "Je ne donnerai pas d'indications sur les questions concernant mon appartenance à l'ordre secret des dominicaines ou concernant les autres personnes, parce que, premièrement, en ce qui me concerne, c'est là ma vie spirituelle personnelle, au sujet de laquelle je ne donnerai aucun compte à l'enquêteur. Et en second lieu, les autres personnes sont en droit de répondre ou de ne pas répondre à l'enquêteur : c'est là l'affaire de leur propre vie spirituelle." (7)
Sœur Marguerite Krylevskaïa reconnut : " J'ai exprimé des vues contre-révolutionnaires dirigées contre la politique du parti et le pouvoir soviétique. A présent encore, je maintiens ces vues. Je suis un adversaire de principe de la politique menée par le pouvoir soviétique. Etant un partisan convaincu de la théocratie papale, j'ai fait du but de ma vie la réalisation de la théocratie en Russie." (Que voilà un digne disciple de Vladimir Soloviev.") L'enquête dira d'ailleurs de cette sœur " Elle est inconditionnellement dévouée à la Mère et à Neveu. Selon ses propres paroles, pour eux, elle ira jusqu'à la mort par les armes."(8)
En conclusion des interrogatoires, les Sœurs dominicaines dressèrent un portrait tout à l'éloge de la Mère Abrikossova : "Anna Ivanovna est une personne entièrement donnée à sa cause, de grande intelligence, qui a beaucoup lu et lit encore pour suivre la politique. Elle possède une volonté ferme et inflexible, qui lui a permis de supporter neuf années d'isolement et une grave opération. Elle est capable de tout pour atteindre son but. Elle est une organisatrice et un chef né. En prison de 1924 à 1932, elle est sortie pleine de forces et d'énergie et a repris sa cause. Toutes les Sœurs sont à nouveau placées sous sa direction."
L'affaire qui s'appelait au début : "Le procès de la conspiration catholique contre la vie de Staline", vu l'inconsistance de l'accusation concernant l'acte terroriste contre Staline, et peut-être à cause du danger qu'il y avait pour les instructeurs de mêler le nom de Staline à un procès contre des religieuses somme toute ordinaires, prit au cours de l'enquête le nom d'"Affaire contre-révolutionnaire de l'organisation terroriste-monarchiste".