Petrovski Monastir ou l'organisation monastique orthodoxe-catholique.
Petrovski Monastir ou l'organisation monastique orthodoxe-catholique.
Une deuxième affaire concernant Mgr Barthélémy fut celle du Petrovski Monastir (1)
Elle était motivée par l'existence , sous la direction de Mgr Barthélémy, d'un couvent de moine et de moniales orthodoxes, et sous la direction de Mgr Neveu d'un groupe russo-catholiques. L'affaire fut menée par la direction centrale sous la direction de G.A. Moltchaninov (2) du NKVD. Voici la relation du NKVD sur cette affaire.
Le groupe orthodoxe constituait un véritable monastère, dont les supérieurs étaient l'évêque Barthélémy, l'archimandrite Agathon Lebedev et l'higoumène Mitrophane Tikhonov. Le dossier établit le fonctionnement de ce qui n'était ni plus ni moins qu'un noviciat fervent, où les candidats étaient formés à la prière, à l'obéissance, à la discipline et à l'ascèse. Neveu écrit souvent dans ses lettres que dans la liturgie au monastère Petrovski on priait pour l'unité, et on nommait le pape , au point que Neveu redoutait même Une "communicatio in sacris" , une intercommunion avant le temps.
Sur l'activité des catholiques , l'enquêteur est beaucoup plus précis. Le docteur Titov, membre du groupe a déclaré ; "Je suis entré en relation avec le représentant secret du Vatican, l'évêque Neveu en 1931. J'ai informé Neveu de l'arrestation des prêtres Vassiliev, Piatikrestovski, Firsov, Velikamov, . En automne 1934, j'ai dit à Neveu au sujet des kolkhozes , que je les estimais pas redoutables. Velikanov m'a dit qu'il désirait envoyer ses manuscrits antisoviétiques à l'étranger par l'intermédiaire de Neveu.
A propos de la reconnaissance de l'URSS par les USA en 1933, le rapport fait dire à Titov, au cours d'entretiens avec des hommes d'Eglise sur les questions internationales j'ai exprimé mon indignation car j'ai toujours admiré le courage de l'Amérique et je pensais que dans la reconnaissance du pouvoir soviétique, les Etats-Unis ne devaient non seulement pas prendre le chemin de la reconnaissance, mais devaient au contraire, faire en sorte que les autres gouvernements changent leur politique envers l'URSS."
Au cours d'une confrontation avec le témoin Kolesnikov. Titov reconnut avoir dit : "En Allemagne, a triomphé l'esprit national et le fascisme. Ce pays considère comme ses ennemis les juifs, le communisme, la franc-maçonnerie. J'ai dit en outre que je constate l'éveil du sentiment national également chez nous en Russie et que ce sentiment vaincra notre maladie, le bolchevisme. " Ces déclarations pro-fascistes s'expliquent par le fait que, selon l'accusation, le Dr Titov faisait partie avant la révolution du parti cadet (KD, parti constitutionnel démocrate).
Mgr Barthélémy témoigna au sujet de l'évêque Rozanov : "L'évêque Rozanov était lié avec Neveu durant quelques années et lui a parlé de ses tendances personnelles qui le poussaient vers Rome: qu'il avait sur ce point des évêques du même sentiment. Neveu m'a dit que Rozanov a exprimé son sentiment de se sauver à l'étranger".
Sur l'évêque Pierre Roudnev, Mgr Barthélémy reconnaît : " L'évêque Roudnev allait chez Neveu grimé et lui a fourni des informations sur la situation de l'Eglise, dont Neveu m'a ensuite parlé". Neveu écrit effectivement que l'évêque Roudnev est devenu en 1933 chancelier du Synode. "Pourra-t-il encore venir avec la perruque dont il se grime?"
Popov figure sur la liste pour avoir été l'ami de Neveu et avoir assisté à des réunions clandestines chez Mgr Barthélémy. Cet éminent patrologue, spécialiste de saint Augustin, auquel Neveu avait prêté son manuel de patrologie de Bardenhewer, avait été l'inspirateur et le théologien du mémorandum des évêques tikhoniens déportés à Solovki, au sujet d'un premier projet de ralliement du métropolite Serge au pouvoir communiste, mais sans aliénation de la liberté de l'Eglise dans son domaine spirituel. "D'après les indications de Remov avaient lieu dans son appartement des réunions illégales d'évêques orthodoxes, qui jugeaient la situation de l'Eglise dans un esprit antisoviétique. Popov I.V. assistait à ces réunions. Interrogé à ce sujet, l'accusé Popov confirma ces déclarations. Popov I.V. a reçu de Neveu une aide matérielle. A ce propos, Remov a organisé cette aide par l'intermédiaire de la Croix-Rouge internationale et Popov a reçu des colis. (6)
Sur le rôle d'Elena Rojina, Mgr Barthélémy est explicite "Rojina a été l'intermédiaire très dévouée entre Neveu et moi. Elle se rendait à l'ambassade de France et remplissait les diverses tâches que lui fixait Neveu, qui avait une grande confiance en elle. Il lui a parlé notamment de ses efforts pour faire échouer les entretiens Roosevelt-Litvinov. C'est à Rojina que Braun (prêtre américain) donnait les lettres que Neveu m'envoyait à l'étranger. Avant le voyage de Rome de Neveu en 1934, Rojina lui a demandé de faire savoir au pape de Rome qu'il y a à Moscou une cellule organisée de catholiques et de l'informer sur les persécutions religieuses. A la demande de Neveu, Rojina s'est mise en rapport avec Werth V.O. et par elle avec les autres membres du groupe."
Je veux dire que Neveu ne s'est pas opposé aux entretiens Roosevelt-Litvinov, au terme desquels, en octobre 1933, les Etats-Unis ont reconnu l'URSS. Pareille démarche dépassait son rôle et sa personne. Au contraire, il vit aussitôt l'avantage qu'il pouvait tirer de cette reconnaissance. Il fit tous ses efforts par M.Alphand, alors ambassadeur de France en URSS et le Père Gervais Quénard, supérieur général des assomptionnistes, pour obtenir, à l'occasion de cette reconnaissance, l'envoi d'un deuxième assomptionnistes à Moscou, le Père Braun.
Parmi les griefs reprochés à Neveu, qui ne pouvait être arrêté, parce que depuis le 1er juillet 1932, il résidait à l'ambassade de France au Pomerantsev et jouissait de l'immunité territoriale, figurait en premier lieu le soutien matériel accordé au groupe, Tsitourina, dactylographe aux assurances d'Etat, membre actif du groupe catholique reconnaît : "De l'évêque Neveu depuis un an j'ai reçu des devises étrangères. La dernière fois, j'ai reçu de lui en février 1935 100 francs français". Le deuxième grief était la fourniture de littérature religieuse. Katchalova, née en 1885, fille de général, qui s'occupait de traduction de de langues étrangères, est accusée d'avoir traduit du français en russe la brochure d'Herbigny "Les sans-dieu"